Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/296

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— Marie, assez de bêtises. Comment n’as-tu pas honte ? dit-il gaiement.

— Il me semble que tu ne peux pas m’aimer parce que je suis si laide… même toujours et surtout maintenant… dans cette situation…

— Ah ! comme tu es drôle ! Il n’y a que les Malvina et les autres qu’on aime parce qu’elles sont belles. Mais ma femme, est-ce que je l’aime ? Je ne t’aime pas, mais tiens, comment te dire : sans toi ou quand il y a un désaccord entre nous, je suis dérouté, je ne puis plus rien faire. Quoi ! est-ce que j’aime mon doigt ? je ne l’aime pas, mais qu’on essaye de me le couper…

— Non, moi je sens autre chose mais je comprends. Alors tu n’es pas fâché contre moi ?

— Terriblement ! fit-il en souriant, et, réparant le désordre de sa chevelure, il se mit à marcher dans la chambre.

— Sais-tu à quoi j’ai pensé, Marie, commença-t-il maintenant que la paix était faite et aussitôt se mettant à réfléchir à haute voix. Il ne se demandait pas si elle était prête à l’écouter, cela lui était égal ; une idée lui venait en tête, elle devait venir à elle aussi. Et il lui fit part de son intention d’inviter Pierre à rester chez eux jusqu’au printemps.

La comtesse Marie l’écouta, fit ses observations et à son tour se mit à penser à haute voix. Il s’agissait des enfants.

Comme on voit déjà la femme, dit-elle en