Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/345

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« Maintenant tu es à moi, à moi, tu ne t’en iras pas ! », depuis ce moment commençait cette conversation contraire à toutes les lois de la logique, contraire rien que par ce fait qu’ils parlaient simultanément de sujets tout différents. Cette multiplicité des sujets non seulement n’empêchait pas la clarté de l’entendement, mais, au contraire, c’était l’indice le plus sûr qu’ils se comprenaient entièrement l’un l’autre.

Comme dans le rêve où tout est incroyable, insensé et contradictoire, sauf le sentiment qui dirige le rêve, de même, dans cette conversation contraire à toutes les lois du raisonnement, ce n’était pas les paroles qui étaient claires, mais le sentiment qui les guidait.

Natacha racontait à Pierre le train de vie de son frère, ce qu’elle avait souffert en son absence, combien elle aimait Marie qu’elle trouvait supérieure à elle-même sous tous les rapports. Natacha était sincère en avouant la supériorité de Marie mais, en même temps, en disant cela, elle exigeait de Pierre qu’il la préférât à la comtesse Marie et à toutes les femmes et surtout qu’il le lui répétât maintenant, après qu’il avait vu beaucoup de femmes à Pétersbourg.

Pierre, en réponse à Natacha, lui racontait combien à Pétersbourg il lui avait été désagréable de se trouver à des soirées et à des dîners avec des dames :