Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/346

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— Je suis tout à fait déshabitué de causer aux dames, cela m’ennuie tout simplement ; surtout j’étais si occupé.

Natacha le regarda fixement et continua :

— Marie, c’est une femme si charmante. Comme elle sait comprendre les enfants ! Elle paraît voir en leur âme. Hier, par exemple, Mitenka a été capricieux…

— Comme il ressemble à son père ! interrompit Pierre.

Natacha comprit pourquoi il faisait cette observation. Le souvenir de sa discussion avec son beau-frère lui était désagréable et il voulait savoir l’opinion de Natacha.

— Nicolas a cette faiblesse que si une chose n’est pas admise par tous, il ne l’accepte pas. Et moi, je comprends, tu trouves que ce n’est bon que pour ouvrir une carrière, dit-elle, répétant les paroles prononcées une fois par Pierre.

— Non, le principal, c’est que, pour Nicolas, les idées et les raisonnements sont un amusement, presque un passe-temps. Voici, il s’installe une bibliothèque et s’impose comme règle de ne pas acheter un livre avant d’avoir lu ceux qu’il a. Sismondi, Rousseau, Montesquieu,… ajouta Pierre avec un sourire. Tu sais comment moi…

Il voulait adoucir ses paroles, mais Natacha l’interrompit en faisant sentir que ce n’était pas nécessaire.