Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/377

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paraît absurde. Il avait le pouvoir et c’est pourquoi ce qu’il ordonnait a été fait. Cette réponse est tout à fait satisfaisante si nous croyons que le pouvoir lui était donné par Dieu. Mais dès que nous n’admettons pas cela, il est nécessaire de définir ce qu’est ce pouvoir d’un homme sur les autres.

Ce pouvoir ne peut être le pouvoir direct de la prépondérance physique d’un être fort sur un être faible — prépondérance basée sur l’application ou la menace d’application de la force physique, comme, par exemple, le pouvoir d’Hercule ; il ne peut être basé sur la prépondérance de la force morale, comme le pensent naïvement quelques historiens qui disent que les personnages historiques sont des héros, c’est-à-dire des hommes doués d’une force d’âme et d’esprit particulière qu’on appelle le génie. Ce pouvoir ne peut être basé sur la supériorité de la force morale, car, sans même parler des héros comme Napoléon, dont les qualités morales sont très discutables, l’histoire nous montre que ni les Louis XI ni les Metternich qui dirigèrent des millions d’hommes n’avaient des qualités morales particulières, mais, qu’au contraire, ils étaient moralement inférieurs à chacun des millions de gens qu’ils dirigeaient.

Si la source du pouvoir n’est ni dans les qualités physiques, ni dans les qualités morales de la personne qui le possède, il est évident qu’elle doit se trouver en dehors de la personne, dans les rap-