Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/451

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Tolstoï se liait avec plusieurs personnes qui se rappelaient l’époque décrite, et il examinait personnellement les endroits où s’étaient passés les événements qu’il décrivait.

« Dans un de ces voyages, nous rapporte S.-A. Bers dans ses Souvenirs, pendant l’automne de 1866, Léon Nikolaïévitch arriva à Moscou afin d’aller examiner le champ de Borodino où eut lieu la célèbre bataille de 1812. Il était seul et s’arrêta chez nous. Il demanda à m’emmener. Mes parents y consentirent. Mon enthousiasme était indescriptible. J’avais alors onze ans. Mon père donna à Léon Nikolaïévitch son break de chasse et sa cantine. La route, sans compter dix verstes de chaussée après la ville, était très marécageuse et Léon Nikolaïévitch s’inquiétait beaucoup pour la voiture. Après plusieurs relais nous eûmes l’envie de manger, et alors nous nous aperçûmes que la cantine avait été oubliée ; nous n’avions d’autres provisions qu’un panier de raisins qu’on m’avait remis. Léon Nikolaïévitch dit : « Ce qui m’ennuie, ce n’est pas d’avoir oublié les provisions, mais c’est qu’on en sera inquiet et que le domestique sera grondé. » Avec les chevaux de poste, après une journée de voyage, nous arrivâmes près du champ de bataille, à un couvent fondé en souvenir de la guerre. Pendant deux jours Léon Nikolaïévitch parcourut à pied et en voiture le champ où cinquante ans auparavant étaient tués plus de cent