Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/452

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mille hommes et où se trouve maintenant un magnifique monument avec inscriptions d’or. Il prenait des notes et dessinait le plan de la bataille publié ensuite dans le roman. Il me racontait et m’expliquait où se tenaient pendant la bataille Napoléon et Koutousov, mais, alors, je ne comprenais pas toute l’importance de son travail et je m’amusais follement avec le petit chien du gardien du monument. Je me souviens que sur le champ et dans la route nous cherchions des vieillards témoins de la guerre nationale. Pendant la route à Borodino on nous raconta que le gardien du monument avait participé à la bataille et avait reçu cette place en récompense de sa bravoure. Mais nous apprîmes que le vieux était mort quelques mois auparavant. Léon Nikolaïévitch éprouva un grand désappointement. En général, nos recherches étaient infructueuses. Au retour, au dernier relais, nous tombâmes sur un vieux cocher gai qui avait d’énormes chevaux. Quand nous fûmes sortis sur la chaussée, il nous lança à grande vitesse. La soirée était brumeuse, le brouillard était si épais qu’une pareille course n’était pas sans danger ; j’étais très énervé, probablement à cause de cette course. Léon Nikolaïévitch le remarqua et me demanda ce que je désirerais dans ma vie. Je répondis : « Je regrette beaucoup de ne pas être votre fils. » Il ne s’étonna nullement, probablement qu’il était habitué à ce que tous les enfants l’aimassent