Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/468

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toriens de l’époque qui m’occupe un style particulier, pompeux (probablement dû à l’habitude de grouper les événements, de les exposer brièvement et de se mettre en harmonie avec le tragique des situations), dans lequel, souvent, le mensonge et les définitions se rapportent non seulement aux événements, mais aussi à la compréhension de leur importance. Souvent, en étudiant les deux principales œuvres concernant cette époque : celles de Thiers et Mikhaïlovsky-Danilievsky, j’ai été étonné que pareils livres pussent être publiés et lus. Sans parler de l’exposé des événements eux-mêmes dans le ton le plus sérieux et le plus important, avec les renvois aux documents diamétralement opposés, j’ai rencontré chez les historiens des descriptions telles, qu’on ne sait si l’on doit rire ou pleurer, quand on pense que ces deux ouvrages sont les seuls monuments de cette époque et qu’ils ont des millions de lecteurs. Je ne citerai qu’un seul exemple du livre du célèbre historien Thiers. Après avoir raconté que Napoléon avait apporté avec lui de faux billets de banque, il dit : « Relevant l’emploi de ces moyens par un acte de bienfaisance digne de lui et de l’armée française, il fit distribuer des secours aux incendiés. Mais les vivres étant trop précieux pour être donnés longtemps à des étrangers la plupart ennemis, Napoléon aima mieux leur fournir de l’argent, et il leur fit distribuer des roubles-papier. »