Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/467

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d’après les descriptions inexactes de Mikhaïlovsky-Danilievsky, Glinka et autres. Même les détails, bien que les narrateurs aient été à quelques verstes les uns des autres, sont les mêmes.

Après la prise de Sébastopol, le chef de l’artillerie, Krijanovski, m’envoya les rapports des officiers d’artillerie de tous les bastions et me demanda de faire de ces vingt rapports un seul. Je regrette de n’en pas avoir pris la copie. C’était le meilleur spécimen de ce mensonge naïf, nécessaire, avec lequel se composent les descriptions. Je pense que plusieurs de mes camarades qui ont fait alors ces rapports, en lisant ces lignes, riront en se souvenant comment, par ordre des chefs, ils ont écrit des choses qu’ils ne pouvaient savoir. Ceux qui sont allés à la guerre n’ignorent pas comment les Russes savent faire leur besogne et combien ils sont peu capables de décrire l’affaire avec le mensonge flatteur nécessaire. Tous savent que dans nos armées, cette fonction — écrire les rapports et les relations — est remplie, en général, par les étrangers.

Je dis tout cela pour montrer le mensonge inévitable des descriptions militaires qui servent de documents aux historiens militaires et montrer ainsi la cause nécessaire des différences, entre l’artiste et l’historien, dans l’interprétation des événements historiques. Mais, sans compter ce caractère inévitable de mensonge dans l’expression des événements historiques, j’ai rencontré chez les his-