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XV

Le dépôt, les prisonniers et les bagages du maréchal s’arrêtèrent au village Chamchevo. Tous s’assemblèrent près des bûchers. Pierre s’approcha d’un bûcher, mangea du cheval rôti, se coucha le dos vers le feu et aussitôt s’endormit. Il dormait du même sommeil qu’à Mojaïsk, après Borodino. De nouveau les événements réels se joignaient à ses rêves, et de nouveau quelqu’un — lui-même ou un autre — lui soufflait les mêmes pensées qu’il avait eues à Mojaïsk.

— « La vie c’est tout. La vie c’est Dieu. Tout se transporte et se meut, et ce mouvement c’est Dieu. Tant qu’il y a la vie, il y a la jouissance de la conscience de la divinité. Renier la vie c’est renier Dieu. Le plus difficile et le plus heureux c’est d’aimer cette vie dans ses souffrances et dans les souffrances imméritées. »

« Karataïev ! » se rappela Pierre.