Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol13.djvu/308

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Quelles paroles simples et naturelles ! Et personne n’est oublié !

L’enfant était content, il a même pleuré, mais ce n’est qu’un enfant, et c’est pourquoi, malgré que le père pleure, il examine son havresac et cherche dans ses poches. La fille aînée aussi n’est pas oubliée. On croit voir cette rougeaude, chaussée de bottes, entrer dans l’isba, et, sans rien dire, aller embrasser le père. On croit voir le soldat heureux et confus, embrasser tout le monde sans même savoir qui il embrasse, puis, apprenant que la jeune femme est sa fille, la rappeler et l’embrasser alors non comme la première personne venue mais comme sa fille qu’il quitta autrefois sans en paraître peiné.

Le père s’est corrigé. Que de phrases fausses et sottes dirions-nous à cette occasion ! Et Fedka a raconté tout simplement que la sœur a apporté du vin et qu’il n’a pas bu. Et vous voyez la femme qui tire de son sac les vingt-trois derniers kopeks et, dans le vestibule, à voix basse, envoie la jeune femme chercher du vin et lui met dans la main la monnaie de billon. Vous voyez cette jeune femme, la bouteille à la main, qui court bruyamment, en agitant ses coudes derrière son dos, et se dirige vers le débit. Vous la voyez tout à coup revenir dans l’isba et glisser la bouteille ; vous voyez la mère heureuse la poser joyeusement sur la table, et vous voyez la femme du soldat devenir triste et