Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol13.djvu/321

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espérer s’approcher de l’harmonie et de la régularité. Mais nous sommes si sûrs de nous, nous sommes si dévoués, en rêve, à l’idéal mensonger de la perfection, nous sommes si préoccupés des irrégularités qui nous sont sensibles, et si fermement convaincus de pouvoir les corriger, nous comprenons si peu, nous apprécions si mal la beauté primitive de l’enfant, que nous repétrissons, réparons le plus vite possible les irrégularités qui nous sautent aux yeux : nous corrigeons et élevons l’enfant. Tantôt il faut égaliser un côté avec l’autre, tantôt l’autre avec le premier. On continue toujours à développer l’enfant et l’on s’éloigne de plus en plus du passé primitif détruit et il devient de plus en plus impossible d’atteindre l’idéal imaginaire de la perfection d’un adulte. Notre idéal est derrière et non devant. L’éducation gâte l’homme et ne le corrige pas. Plus l’enfant est gâté, moins il faut l’élever, plus il lui faut de liberté. On ne peut pas apprendre à élever un enfant et cela n’a pas de sens, par cette simple cause que l’enfant est plus près que moi, plus près que chaque adulte, de cet idéal de l’harmonie du vrai, du beau et du bien, jusqu’où, dans mon orgueil, je veux l’élever. La conscience de cet idéal est plus forte en lui qu’en moi. De moi il ne lui faut que le matériel pour se suppléer harmoniquement.

Aussitôt que je lui donnai la liberté entière et cessai de l’instruire, il écrivit une œuvre poé-