Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol13.djvu/459

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rions l’histoire, moi en commençant par un bout, l’autre maître en commençant par l’autre bout, de façon à nous rencontrer.

Les élèves du soir s’étaient installés en divers endroits de la classe. Je suis venu à la classe d’histoire de Russie. On parlait de Sviatoslav. Les élèves s’ennuyaient. Les fillettes, leur fichu sur la tête, comme toujours, étaient assises côte à côte sur le banc le plus haut. L’une d’elles s’était endormie. Michka me poussa du coude : — « Regarde nos coucous, il y en a une qui dort. » Et en effet, elles avaient l’air de coucous. — « Raconte plutôt quelque chose en commençant par la fin », dit quelqu’un et tous se levèrent. Je m’assis et commençai à raconter. Comme toujours, les cris, les bousculades firent un vacarme de quelques minutes : les uns grimpaient sur la table, les autres se mettaient dessous, les autres sous les bancs, s’appuyant sur les coudes ou sur les genoux, puis tous se turent. Je commençai par Alexandre Ier, je leur parlai de la Révolution française, des succès de Napoléon qui s’empara du pouvoir, et de la guerre qui se termina par la paix de Tilsitt. Dès que j’en vins à la Russie, de tous côtés se manifesta l’expression d’un intérêt très vif. — « Hein ! Il nous prendra aussi ? » — « Non, Alexandre lui fera voir… », dit quelqu’un qui savait quelque chose sur Alexandre. Mais j’étais forcé de les désenchanter ; le moment n’était pas encore venu. Ils étaient très offensés qu’on eût