Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol14.djvu/164

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s’envola une seconde fois au-dessus de la mer. Au dessus de la mer, se sentant de nouveau fatigué, il demanda à son petit s’il le porterait de place en place quand il serait vieux.

Animé de la même crainte que son frère, le petit corbeau répondit affirmativement.

Le père ne crut pas davantage son second fils et le laissa tomber dans la mer.

Quand le vieux corbeau revint à son nid, il ne lui restait plus qu’un petit. Il prit son dernier rejeton et s’envola au-dessus de la mer. Arrivé au même endroit, se sentant encore fatigué, il demanda à son petit :

— Me nourriras-tu dans ma vieillesse et me porteras-tu si je suis faible ?

Le jeune corbeau répondit :

— Non, je ne le ferai pas.

— Pourquoi ? demanda le père.

— Quand tu seras vieux, moi je serai fort, j’aurai mon nid à moi et mes petits que je nourrirai et que je devrai porter.

Alors le vieux corbeau pensa : « Il dit la vérité, et pour le récompenser je le porterai à travers la mer. »

Et le vieux corbeau ne lâcha pas son petit. D’un dernier effort il battit des ailes et le porta sur la terre ferme pour qu’il eût, plus tard, des petits.