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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol14.djvu/194

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haie, j’aperçus de l’autre côté, dans la cour, la bête qui venait droit sur moi. C’était un loup. Il courut à la haie et prit son élan pour la franchir. Je me jetai de côté et armai mon fusil. À peine eut-il bondi vers moi que, le couchant en joue, à bout portant, je pressai la détente, mais le fusil fit « tchiik » et le coup ne partit pas. Le loup, sans s’arrêter, traversa rapidement la rue. Milton et Boulka s’élancèrent à sa poursuite. Milton l’eut bientôt rejoint ; mais on voyait qu’il n’osait pas l’attaquer ; quant à Boulka, il eut beau se hâter sur ses pattes courtes, il ne put l’atteindre. Nous nous mîmes à courir de toutes nos forces, dans la direction de la bête, mais loup et chiens eurent bientôt disparu à nos yeux, et seulement près du fossé, au coin du bourg cosaque, nous entendîmes de rares aboiements, puis une plainte, et nous aperçûmes, à travers le brouillard lunaire, une poussière qui s’élevait et les chiens qui se battaient avec le loup. Quand nous arrivâmes au fossé, le loup avait disparu, les deux chiens s’en revenaient vers nous, la queue dressée, la mine hargneuse. Boulka, en grognant, me poussa de la tête ; il semblait vouloir raconter quelque chose, mais ne le pouvait pas.

Nous examinâmes les chiens et nous aperçûmes que Boulka avait, sur la tête, une petite plaie. Il était clair qu’il avait assailli le loup près du fossé, mais n’avait pu le terrasser, et que le loup, mordant un morceau, avait pris la fuite. La plaie