Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol14.djvu/269

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forces et, un jour, je tombai sous la roue. On me frappa, on me traîna par la queue et l’on me mit dehors. Quand je revins à moi, je me mis à errer. Je ne sais où aller.

Alors le loup dit :

— Tu vois, paysan, qu’un bienfait s’oublie.

Le paysan répondit :

— Attends encore et interrogeons un autre.

Ils allèrent plus loin et rencontrèrent un vieux chien qui se traînait avec peine. Le paysan demanda :

— Chien, dis-nous si un bienfait s’oublie ou non ?

— Voilà ce que je dirai, répondit le chien ; j’ai vécu quinze ans chez mon maître, je gardais sa maison, j’aboyais, je mordais ceux qui entraient. Mais je suis devenu vieux, je n’ai plus de dents, on m’a chassé de la cour, on m’a poursuivi à coups de brancard sur le dos et je me traîne comme je peux, je ne sais où, le plus loin possible de mon ancien maître.

Et le loup reprit :

— Entends-tu ce qu’il dit ?

Le paysan répondit :

— Attends la troisième rencontre.

Plus loin ils rencontrèrent un renard.

Le paysan dit :

— Dis-moi, renard, un bienfait s’oublie-t-il ou non ?