Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol14.djvu/292

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large, ma sœur avait des coliques, et moi, j’habillais ma poupée. La fille de service, Paracha, et la femme du sacristain étaient assises près de la table et causaient de Pougatchev, en prenant le thé. Tout en habillant mes poupées, j’écoutais les horreurs qu’elles racontaient.

— « Je me souviens, disait la femme du sacristain, que Pougatchev vint, un jour, à quarante verstes de chez nos voisins, il pendit les seigneurs et tua tous les enfants. »

— « Et comment ces brigands pouvaient-ils tuer les enfants ? demanda Paracha.

— « Ah ! voilà, ma petite amie, Ignatitch a raconté qu’ils prenaient les enfants par les pieds et leur frappaient la tête contre le mur.

— « Assez ! Raconter de pareilles horreurs devant une enfant ! Va, Katenka, va dormir, c’est l’heure. »

J’allais aller me coucher, quand, tout à coup, nous entendîmes frapper à la porte cochère : les chiens se mirent à aboyer ; des voix criaient. La femme du sacristain et Paracha coururent pour voir et revinrent aussitôt en criant :

— C’est lui ! C’est lui !

La vieille bonne oublia que ma petite sœur avait mal au ventre ; elle la déposa sur le lit et fouilla les coffres. Elle en tira une chemise et un petit sarafan, me déshabilla complètement, me déguisa en paysanne, me mit un mouchoir sur la tête, puis me dit :