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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol14.djvu/294

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— Et celle-ci ? reprit-il en me désignant.

— C’est aussi ma petite-fille, votre majesté.

— Viens ici, ma petite !

De la main il me fit signe d’approcher. J’eus peur. Mais voilà qu’Anna Trophimovna me dit :

— Va, Katenka, n’aie pas peur.

Je m’approchai ; il prit ma joue et dit :

— Tu vois comme elle est blanche, ce sera une beauté !

Il tira de sa poche une poignée de pièces blanches, en prit une de dix kopeks et me la donna :

— Voilà, dit-il, garde-la en souvenir du tzar.

Et il sortit.

Il resta chez nous encore deux jours, mangeant, buvant, brisant tout, mais ne brûlant rien. Enfin, il partit.

Lorsque mes parents revinrent, ils ne surent comment remercier la bonne Anna Trophimovna. Ils lui offrirent de l’affranchir ; mais elle refusa et resta jusqu’à sa mort avec nous.

Pour moi, depuis ce temps-là, on m’appelle en plaisantant la fiancée de Pougatchev.

Et j’ai gardé les dix kopeks qu’il me donna ; quand je les regarde, je me souviens de mon jeune âge et de la bonne Anna Trophimovna.