Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol14.djvu/327

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Jiline, qui était en avant du convoi, s’arrêtait de temps en temps pour l’attendre. Il entendit que derrière, quelqu’un jouait du cor, et qu’on s’arrêtait de nouveau. Jiline se dit :

— « Et si je partais seul sans les soldats ? J’ai un bon cheval ; si je rencontrais les Tatars, je pourrais toujours leur échapper… ou peut-être y rester… »

Il arrêta sa monture et se mit à réfléchir. Un officier, également à cheval, s’approcha de lui. Il se nommait Kostiline, il avait un fusil ; il lui dit :

— Partons seuls, Jiline, je suis à bout de forces, tant j’ai faim et tant la chaleur m’accable. On pourrait tordre ma chemise.

Il faut dire que Kostiline était un gros homme lourd, rougeaud. Il était trempé de sueur.

Jiline réfléchit puis répondit :

— Ton fusil est-il chargé ?

— Oui.

— Eh bien ! alors, allons… Mais à une condition… C’est que nous ne nous séparerons pas.

Ils partirent en avant. Ils allaient sur la route en devisant, et jetaient des regards autour d’eux. On voyait de très loin. Mais quand ils eurent quitté la plaine, la route s’encaissa entre deux montagnes. Jiline dit à son compagnon :

— Il faudrait escalader cette montagne et explorer les environs ; autrement ils peuvent bondir de la montagne sans que nous les remarquions.