Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol14.djvu/433

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rure près de la bouche et, poussant de sa tête, s’efforcait et se tortillait pour sortir ; mais la vieille chemise tenait bon.

Longtemps je le regardai s’agiter infructueusement ; je voulus l’aider. Je grattai légèrement avec l’ongle ; mais je m’aperçus bientôt que j’avais fait une sottise.

Mon ongle rencontra quelque chose de liquide, et le ver s’engourdit. Je crus d’abord que c’était son sang ; mais j’appris par la suite que le ver a sous la peau un suc liquide, pour que la chemise glisse plus facilement. Mon ongle avait dû déranger la nouvelle chemise, car le ver bien que dégagé ne tarda pas à mourir.

Je me gardai bien de toucher aux autres, et tous sortirent de leurs chemises : il est vrai qu’il en mourut quelques-uns et que presque tous se donnèrent beaucoup de peine, mais enfin réussirent à se dégager de la vieille chemise.

Après la mue, leur appétit redoubla et il fallut accumuler les feuilles de mûrier. Au bout de quatre jours, ils s’endormirent de nouveau, et de nouveau firent peau neuve. Ils dévoraient encore plus de feuilles et leur taille atteignait déjà un huitième de verchok[1].

Après six autres jours, nouveau sommeil, nouvelle peau, et ils étaient devenus si grands, si gros,

  1. Le verchok vaut 4 centimètres 445.