Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/129

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jeune homme, un jeune homme très bien, s’est épris de notre fille, et il me semble qu’elle…

— Oui, voilà, il vous semble ! Et si elle est éprise réellement, et si lui songe à se marier autant que moi ? Oh ! je préférerais perdre la vue… « Ah ! le spiritisme ! Nice ! Ah ! le bal… » — Le prince imitant sa femme, faisait des révérences à chaque mot. — Et voilà ! Si nous faisons le malheur de Kitty, si, en effet, elle se met en tête…

— Mais pourquoi penses-tu cela ?

— Ce n’est pas une supposition, mais une certitude que ces choses-là. Nous autres hommes, nous avons des yeux que les femmes n’ont pas : je vois d’un côté un garçon qui a des intentions sérieuses et de l’autre un oiseau qui, comme ce monsieur, ne pense qu’à s’amuser.

— Voilà bien des idées à toi…

— Eh bien ! Souviens-toi de ce que je te dis… Mais il sera trop tard, comme pour Dolly…

— C’est bien, c’est bien, n’en parlons plus, conclut la princesse, au souvenir du malheur de Dolly.

— Eh bien ! Bonsoir.

Ils se signèrent et après s’être embrassés se séparèrent sans être parvenus à se convaincre ni l’un ni l’autre.

La princesse avait eu d’abord la ferme conviction que ce soir-là s’était décidé le sort de Kitty et qu’on ne pouvait douter des intentions de Vronskï, mais les paroles de son mari la troublèrent.