Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/26

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plus raisonnable que parce qu’elle était plus en rapport avec son train de vie. Le parti libéral disait qu’en Russie tout allait mal, et, en effet Stépan Arkadiévitch avait beaucoup de dettes et manquait d’argent. Le parti libéral affirmait que le mariage est une institution démodée et bonne à réformer, et en effet, la vie familiale procurait peu de plaisirs à Stépan Arkadiévitch et le forçait à mentir et à feindre, au mépris de sa franchise naturelle. Le parti libéral disait, ou plutôt laissait entendre, que la religion n’est qu’un frein pour la classe illettrée de la population, et, en effet, Stépan Arkadiévitch ne pouvait écouter, sans avoir mal aux jambes, la messe la plus courte et ne pouvait comprendre l’utilité de toutes ces paroles pompeuses et terribles sur l’autre monde quand la vie ici-bas peut être si gaie. En outre, Stépan Arkadiévitch, qui aimait la plaisanterie gaie, prenait parfois plaisir à étonner un homme pacifique quelconque, en disant que si l’on s’enorgueillit de la race, il ne faut cependant pas s’arrêter au prince Rurik et renier ce premier ancêtre : le singe. Ainsi la direction libérale devenait une habitude pour Stépan Arkadiévitch, et il aimait son journal, comme un cigare après dîner, pour le léger brouillard qu’il produisait en sa tête.

Il lut le premier article. « De notre temps, y disait-on, l’on crie vainement que le radicalisme menace d’engloutir tous les éléments conserva-