Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/260

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qu’un reste de barbarie et rien n’était plus naturel pour un jeune médecin que d’examiner une jeune femme nue. Cela lui semblait d’autant plus naturel qu’il le faisait chaque jour comme un acte ordinaire de la vie et, sans penser à mal, de sorte que la pudeur d’une jeune fille, qu’il attribuait à un reste de barbarie, lui faisait l’effet d’une offense personnelle.

Il fallut se soumettre. Tous les médecins cependant fréquentent la même école, étudient les mêmes livres et connaissent les mêmes sciences, de l’avis même de certaines gens le célèbre docteur n’était pas aussi habile qu’on voulait bien le dire, néanmoins et malgré toutes ces raisons, dans la maison de la princesse et dans tout son entourage, il était considéré, on ne sait pourquoi, comme l’unique médecin capable, et tous faisaient dépendre de lui seul le salut de Kitty. Ayant examiné sérieusement et avec soin la malade, toute confuse et accablée de honte, le célèbre médecin se lava minutieusement les mains et passa dans le salon pour causer avec le prince. Celui-ci fronçant les sourcils et toussotant, écoutait le médecin. En homme qui a beaucoup vécu, et n’a jamais été malade, il ne croyait point à la médecine, et, en lui-même, il était à la fois fâché et honteux de cette comédie, d’autant plus que lui seul peut-être comprenait la véritable cause de la maladie de Kitty : « Voilà un chasseur qui m’a tout l’air de rentrer bredouille », pensait-il