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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/287

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lui que sa femme et chasse les deux jeunes gens.

— Comment savez-vous qu’il a des favoris « en saucissons, » comme vous dites ?

— Attendez ! J’y arrive. Aujourd’hui je suis allé les réconcilier.

— Et alors ?

— Voilà justement le plus intéressant. Il paraît que c’est un heureux couple : le mari est fonctionnaire, actuellement conseiller ; il porte plainte et moi je deviens le médiateur, et quel médiateur ! Je vous assure que Talleyrand n’est rien auprès de moi !

— Mais en quoi consistait la difficulté ?

— Écoutez… Nous nous sommes excusés comme il faut : « Nous sommes désespérés, nous vous demandons pardon de ce fâcheux malentendu. » Le fonctionnaire aux petits saucissons commença à se départir de son flegme ; lui aussi voulait exprimer ses sentiments, mais aussitôt qu’il commença, il s’emballa et se mit à dire des injures, et de nouveau je dus jouer de tous mes talents de diplomate : « Je suis d’accord avec vous, leur acte est blâmable, mais je vous prie de prendre en considération le malentendu, la jeunesse des délinquants, les circonstances : ils venaient de déjeuner, vous comprenez. Ils se repentent de toute leur âme et implorent de vous leur pardon… » Le conseiller s’adoucit de nouveau : « Je consens, comte, et suis prêt à pardonner, mais vous com-