Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/39

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— Je ne sais pas. Tiens, voici pour la dépense, dit-il en prenant dix roubles dans son portefeuille. Est-ce assez ?

— Assez ou pas assez, il faut évidemment s’en contenter, dit Matthieu en remontant le perron après avoir fermé la portière.

Pendant ce temps, Daria Alexandrovna avait consolé l’enfant. Au roulement de la voiture, elle comprit que son mari était parti et elle revint dans sa chambre. Là seulement elle se sentait à l’abri des soucis de famille qui l’accablaient dès qu’elle en sortait. L’Anglaise et la bonne avaient profité des quelques instants qu’elle avait passés dans la chambre des enfants pour lui poser certaines questions auxquelles seule elle pouvait répondre : comment habiller les enfants pour la promenade ? Fallait-il leur donner du lait ? Ne devait-on pas envoyer chercher un autre cuisinier ?

— Ah ! laissez-moi, laissez-moi ! dit-elle en se réfugiant dans sa chambre. Elle s’assit à cette même place qu’elle occupait en causant avec son mari, joignit ses mains osseuses dont les doigts amaigris laissaient glisser les bagues, et se remémora la conversation qu’elle venait d’avoir quelques instants auparavant.

— Parti ! s’écria-t-elle, mais a-t-il rompu avec elle ? La voit-il encore ? Pourquoi ne le lui ai-je pas demandé ? Non, non, toute réconciliation est impossible. Si même nous restons sous le même toit,