Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/394

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bien qu’elle le bombât beaucoup ; la croupe était un peu basse ; les jambes de devant et surtout celles de derrière étaient un peu cagneuses. Les veines des jambes ne paraissaient pas très fortes, mais par contre, sous la selle, l’animal était extraordinairement large, ce qui frappait particulièrement à cause de son ventre maigre. Les os des jambes, au-dessus des genoux, vus de devant, ne semblaient pas plus gros que le doigt, mais de profil ils étaient excessivement larges. Toute la bête, sauf aux côtes, paraissait rétrécie, mais elle avait au plus haut degré une qualité qui faisait oublier tous ses défauts : c’était la race, ce sang qui se montre, comme disent les Anglais. Les muscles saillants au-dessous des veines tendues sous la peau fine, mobile, unie, semblaient aussi durs que les os. Sa tête maigre, aux yeux gais et brillants, s’élargissait près des naseaux pleins de sang. Dans tout le corps et surtout dans la tête, il y avait une expression particulière, énergique et douce à la fois. C’était une de ces bêtes qui semblent ne pas parler uniquement parce que la conformation de leur bouche ne le leur permet pas. Vronskï, du moins, s’imaginait qu’elle comprenait tout ce que lui-même racontait, maintenant, en la regardant.

Aussitôt que Vronskï entra dans son box, elle soupira profondément, et pour voir ceux qui entraient, elle tourna son œil si obliquement que le