Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/393

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— De Makhotine ? mais c’est mon plus redoutable concurrent, dit Vronskï.

— Si vous montiez ce cheval, je tiendrais pour vous, dit l’Anglais.

— Froufrou est plus nerveuse, lui est plus fort, dit Vronskï en souriant au compliment qui lui était fait.

— Dans la course des obstacles, tout dépend de la monte et du pluck, dit l’Anglais.

Le pluck, c’est à-dire l’énergie, l’audace, Vronskï non seulement en sentait en lui assez, mais chose bien plus importante, il était fermement convaincu que personne au monde ne pouvait avoir plus de pluck que lui.

— Et vous êtes parfaitement sûr qu’il ne faut pas autre chose ?

— Absolument, répondit l’Anglais. Je vous en prie, ne parlez pas haut, le cheval s’énerve, ajouta-t-il en désignant de la tête le box fermé devant lequel ils se trouvaient et d’où l’on entendait les piaffements sur la paille. Il ouvrit la porte et Vronskï entra dans le box faiblement éclairé d’une petite fenêtre. Là piaffait sur la paille fraîche une jument baie avec une muselière. Dans la demi-obscurité de la stalle, Vronskï, de nouveau, involontairement, embrassait d’un regard toutes les qualités de son coursier favori. Froufrou était un animal de taille moyenne, et ses formes n’étaient pas irréprochables : elle était très étroite de poitrail,