Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/396

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— Entendu, dit l’Anglais. Et où allez-vous, milord ? demanda-t-il tout à coup, employant le titre de milord qu’il ne donnait presque jamais.

Vronskï, étonné de l’audace de la question, se hâta de regarder l’Anglais comme il savait regarder, en dirigeant son regard non sur les yeux, mais sur le front. Puis, ayant compris que l’Anglais avait posé cette question non pas en maître mais en jockey, il lui répondit :

— J’ai affaire chez Briansky. Dans une heure je serai chez moi.

« Combien de fois me pose-t-on cette question aujourd’hui ?» se dit-il ; et il rougit, ce qui lui arrivait rarement. L’Anglais le regardait attentivement et comme s’il savait où allait Vronskï, il ajouta :

— Avant tout il faut être calme avant la course. Ne soyez pas de mauvaise humeur et ne vous laissez troubler par rien.

All right ! répondit Vronskï en souriant, et, sautant dans sa voiture, il ordonna d’aller à Peterhof.

À peine avait-il fait quelques pas que le nuage qui menaçait depuis le matin s’élargissait et que la pluie tombait.

« Ça va mal, pensa Vronskï en relevant la capote de la voiture. Il y avait déjà de la boue, maintenant ce sera une mare ! »

Enfoncé dans un coin de la voiture fermée, il prit la lettre de sa mère et le billet de son frère et se mit à les lire.