Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/403

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chant d’elle. Il voulut s’élancer vers elle, mais se rappelant que des étrangers pouvaient les voir, il retourna à la porte du balcon et rougit comme il rougissait chaque fois qu’il se sentait obligé de se contraindre et de s’arrêter.

— Non, je me porte bien, dit-elle en se levant et serrant fortement sa main tendue. Je ne t’attendais pas.

— Mon Dieu, quelles mains froides ! dit-il.

— Tu m’as effrayée, je suis seule et j’attends Serioja. Il est allé se promener, ils reviendront par ici.

Mais malgré ses efforts pour conserver son calme, ses lèvres tremblaient.

— Pardonnez-moi d’être venu, mais je ne peux passer un jour sans vous voir, continua-t-il en français comme toujours, évitant ainsi le froid vous impossible entre eux et le toi, dangereux en russe.

— Pourquoi pardonner, je suis si heureuse !

— Mais vous êtes souffrante et attristée, continua-t-il sans lâcher sa main et s’inclinant sur elle. À quoi pensez-vous ?

— Toujours à la même chose, dit-elle en souriant.

Elle disait vrai. À quelque moment qu’on lui demandât à quoi elle pensait, elle pouvait répondre sans mentir : toujours à la même chose, à son bonheur et à son malheur. Au moment de son arrivée elle se demandait précisément pourquoi pour les