Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/404

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autres, pour Betsy, par exemple, dont elle connaissait la liaison, ignorée du monde, avec Toutchévitch, tout cela était-il si facile, tandis qu’elle se tourmentait tant ? Cette pensée, par suite de certaines considérations, la tourmentait toujours particulièrement.

Elle l’interrogea sur les courses. La voyant émue, il lui répondit en tâchant de la distraire, et du ton le plus dégagé lui narra les détails et les préparatifs des courses.

« Dois-je le dire ou ne pas le dire ? » pensa-t-elle en regardant ses yeux calmes et tendres. « Il est si heureux, il est si occupé des courses qu’il ne le comprendra pas comme il faut. Il ne comprendra pas toute l’importance pour nous de cet événement. »

— Mais vous ne m’avez pas dit à quoi vous pensiez quand je suis arrivé ? dit-il interrompant son récit. Dites-le moi, s’il vous plaît ?

Elle ne répondit pas et baissa un peu la tête, le regardant en dessous d’un air interrogateur ; ses yeux brillaient à travers ses longs cils. Sa main qui jouait avec une feuille détachée tremblait. Il la regardait et son visage exprimait cette docilité, ce dévoûment servile qui l’avait tant charmée.

— Je vois qu’il est arrivé quelque chose ; puis-je être tranquille un seul instant lorsque je sais que vous avez un chagrin que je ne partage pas ? Parlez au nom de Dieu, suppliait-il.