Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol15.djvu/59

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sait bien qu’on peut avoir de l’amitié pour un garçon laid mais bon, ainsi qu’il se jugeait, mais que pour inspirer un amour semblable à celui qu’il ressentait pour Kitty, il fallait être beau et surtout sortir de l’ordinaire.

Il avait bien entendu dire que les femmes aiment parfois des hommes laids et communs, mais il n’y croyait pas, parce qu’il jugeait d’après lui-même et que lui-même n’aurait pu aimer qu’une femme jolie, remarquable et distinguée. Cependant, durant les deux mois qu’il passa seul à la campagne, il se convainquit qu’il ne s’agissait pas là d’un de ces caprices d’amour comme il en avait éprouvés dans sa première jeunesse, mais bien d’un sentiment véritable, qui ne lui laissait pas un moment de repos ; il sentit qu’il ne pouvait vivre plus longtemps dans le doute, qu’il lui fallait savoir si oui ou non elle serait sa femme, que son désespoir était imaginaire, n’ayant aucun motif de se voir évincer, et il arriva à Moscou fermement décidé à se déclarer et à se marier si on l’acceptait, ou… Il ne pouvait penser à ce qu’il ferait si on l’éconduisait.