Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/179

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rapidement et en respirant avec effort, mais en revenant à la maison avec Alexis Alexandrovitch, je lui ai tout avoué… Je lui ai dit que je ne puis plus être sa femme, que… enfin je lui ai dit tout.

Il l’écoutait, le corps incliné vers elle, comme s’il eût voulu rendre moins pénible sa confidence ; mais à peine eut-elle achevé ces mots qu’il se redressa subitement et que son visage revêtit une expression pleine de fierté et de gravité.

— Oui, oui, cela vaut mieux ! Mille fois mieux ! Mais je comprends combien tu as dû souffrir, dit-il.

Elle n’écoutait pas ses paroles, cherchant seulement à déchiffrer sa pensée sur son visage ; mais elle ne pouvait imaginer que l’expression de Vronskï se rapportait à la première idée qui lui était venue — la perspective d’un duel inévitable.

Jamais jusqu’alors, elle n’avait envisagé cette éventualité, aussi donna-t-elle une tout autre interprétation à l’expression de sévérité mal dissimulée qui se peignait sur le visage de son amant.

Depuis la lettre de son mari, elle avait l’intime conviction que tout resterait comme par le passé ; elle ne cherchait point à se dissimuler qu’elle manquerait du courage nécessaire pour sacrifier sa situation, abandonner son fils et partir avec son amant. Les événements de la matinée qu’elle avait passée chez la princesse Tverskaïa l’avaient encore confirmée davantage dans ces idées. Néanmoins, ce rendez-vous était pour elle de la dernière impor-