Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/276

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cacher… » et du mouvement d’un homme habitué depuis l’enfance à ne s’embarrasser de rien, Vronskï sortit du traîneau et s’approcha de l’entrée. À ce moment la porte s’ouvrit et le suisse, un plaid à la main, appela la voiture. Bien que peu habitué à s’attacher aux détails, Vronskï remarqua toutefois l’expression d’étonnement avec laquelle le suisse le regarda. Dans la porte même, il se heurta presque à Alexis Alexandrovitch. Un bec de gaz éclairait en plein son visage pâle et vieilli. Il était coiffé d’un chapeau noir et portait une cravate dont la blancheur ressortait vivement sous le col de loutre de son pardessus. Les yeux immobiles et ternes de Karénine se fixèrent sur le visage de Vronskï. Celui-ci salua, et Alexis Alexandrovitch, tout en remuant les lèvres, porta la main à son chapeau et passa.

Vronskï le vit monter en voiture sans se retourner, s’asseoir, prendre par la portière le plaid et la jumelle, et disparaître. Au moment où il entra dans l’antichambre ses sourcils étaient froncés et ses yeux brillaient d’un éclat méchant et orgueilleux. « Quelle situation ! pensait-il. Si encore il voulait lutter, défendre son honneur, je pourrais agir, exprimer mes sentiments, mais que faire devant cette faiblesse ou cette lâcheté ?… Il m’oblige à le tromper, ce que je n’ai jamais voulu, ce que je ne veux pas ! »

Depuis l’explication qu’il avait eue avec Anna dans le jardin Vrédé, les idées de Vronskï avaient