Aller au contenu

Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/283

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Nous nous sommes croisés à la porte.

— Et il t’a salué ainsi ?

Elle allongea son visage, ferma à demi les yeux et, changeant brusquement d’expression, joignit les mains. Et soudain, il put reconnaître sur son joli visage la même expression qu’avait Alexis Alexandrovitcli en le saluant. Il sourit, et elle se mit à rire gaiement, de ce joli rire franc et sonore qui était l’un de ses plus grands charmes.

— Je ne puis le comprendre, dit Vronskï. S’il s’était séparé de toi après votre explication à la campagne, s’il m’avait provoqué en duel, cela m’eût paru tout naturel ; mais comment peut-il supporter une pareille situation ? Il souffre, cependant, on le voit.

— Lui ? fit-elle en souriant. Il est très heureux.

— Pourquoi souffrons-nous tant, quand il serait si facile de tout arranger ?

— Il ne le veut pas ! Je le connais, ce n’est qu’un tissu de mensonges… S’il sentait quelque chose, pourrait-il vivre comme il vit avec moi ?… Il ne comprend rien, il ne sent rien. Est-ce qu’un homme, à moins d’être insensible, peut consentir à garder sous son toit sa femme coupable ? Peut-il lui parler ? Peut-il la tutoyer ?

Et de nouveau, malgré elle, elle l’imitait :

« Toi, ma chère Anna ! »

— Ce n’est pas un homme, c’est un automate. Personne ne le sait que moi. Oh ! si j’étais à sa