Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/439

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Il ne pouvait effacer de sa mémoire le souvenir des instants de bonheur qu’il avait vécus avec elle, qu’il n’avait pas su alors apprécier, et dont tout le charme le poursuivait maintenant.

Serpoukhovskoï lui ayant obtenu une nomination à Tachkend, sans la moindre hésitation, Vronskï l’avait acceptée. Mais plus le moment du départ approchait, plus le sacrifice qu’il faisait à ce qu’il regardait comme un devoir lui semblait pénible.

Sa blessure était guérie, il commençait à sortir et faisait ses préparatifs de départ pour Tachkend.

« La voir une seule fois et ensuite s’enfouir, mourir ! » pensait-il ; et en faisant sa visite d’adieu à Betsy il lui exprima ce désir. Celle-ci promit d’être son interprète auprès d’Anna et lui rapporta une réponse négative.

« Tant mieux, pensa Vronskï en apprenant ce refus ; cette faiblesse m’aurait enlevé mes dernières forces. »

Le lendemain matin, Betsy vint elle-même chez lui et l’informa qu’elle tenait d’Oblonskï qu’Alexis Alexandrovitch allait demander le divorce, et que, par conséquent, il pourrait voir Anna.

Sans attendre le départ de Betsy et oubliant toutes ses décisions, sans même demander quand l’entrevue serait possible ni où se trouvait le mari, Vronskï courut aussitôt chez les Karénine. Il gravit l’escalier sans rien voir et sans remarquer personne, et, d’un pas rapide, presque en courant, il entra