Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/64

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seul bonheur possible. Privée de ces soucis, elle serait restée seule avec les tristes pensées que lui suggérait l’indifférence de son mari. En retour et quelque pénibles que soient pour la mère la crainte des maladies, leur gravité et le chagrin causé par les mauvais penchants des enfants, ceux-ci compensaient déjà ces chagrins par de petites joies. Ces joies étaient si rares qu’on ne les remarquait pas plus que des paillettes d’or dans le sable ; mais si dans les moments difficiles elle n’envisageait que ses chagrins seuls — le sable, à d’autres moments, l’or, c’est-à-dire, la joie, lui redevenait perceptible.

À l’heure présente, dans la solitude de la campagne, ces joies devenaient de plus en plus fréquentes. Souvent, en regardant ses enfants, elle tâchait de se convaincre de son aveuglement maternel ; cependant elle était obligée de s’avouer qu’ils étaient charmants. Chacun avait son charme particulier et il y en avait fort peu qui pussent leur être comparés. Bref, elle était heureuse et fière d’eux.