Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/89

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vieillard bavard et de belle apparence. Il reçut joyeusement Lévine, lui montra tout son bien, et s’étendit longuement sur ses abeilles et leur production de cette année ; mais lorsque Lévine entama le chapitre des foins, il fut moins prolixe et moins disposé à répondre. Cette attitude ne fit que confirmer les soupçons de Lévine. Il se rendit alors dans le champ et examina les meules. Elles ne semblaient point représenter cinquante charretées chacune. Aussi pour prendre en fraude les paysans Lévine ordonna d’amener les charrettes qui avaient servi de mesure, et de transporter sur elles une meule dans le hangar. La meule ne put fournir que trente-deux charrettées.

Malgré les serments du starosta qui affirmait que le foin était très volumineux, qu’il était mal placé dans la charrette, et que tout s’était passé honnêtement, Lévine répondit que le foin avait été partagé sans son ordre et qu’il n’acceptait pas les meules, comme valant cinquante charretées. Après de longs pourparlers, il fut décidé que les paysans garderaient les onze meules à raison de cinquante charretées et qu’on ferait un nouveau partage pour le maître. Cette discussion se prolongea jusqu’à midi. Quand tout le foin fut partagé, Lévine, confiant la fin de sa besogne à l’employé, alla s’asseoir sur une petite meule, marquée d’une branche de cythise, et admira la prairie pleine d’animation.