Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol16.djvu/97

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cela est beau ! » pensait il en regardant les petits nuages suspendus en flocons au milieu du ciel au dessus de sa tête et qui affectaient la forme d’une étrange coquille nacrée. « Comme tout dans cette délicieuse nuit est charmant ! Mais quand donc cette coquille a-t-elle eu le temps de se former ? Il n’y a qu’un instant, j’ai regardé le ciel et n’y ai vu que deux taches blanches. Oui ! C’est ainsi que se sont transformées, sans que j’en aie eu conscience, les idées que j’avais sur la vie ! »

Il sortit de la prairie et prit la grand’route qu’il se mit à suivre dans la direction du village. Un vent léger s’élevait, la nature prenait une teinte grise et triste, comme il arrive ordinairement avant l’aurore, qui précède la victoire éclatante de la lumière sur les ténèbres.

Tout frissonnant de froid, Lévine marchait rapidement les yeux baissés. « Tiens, se dit-il tout à coup, une voiture qui vient par ici ! » On entendait en effet un bruit de grelots ; il leva la tête : à quarante pas de lui, sur la grand’route qu’il suivait, venait à sa rencontre une voiture attelée de quatre chevaux. Sans songer aux voyageurs qu’elle pouvait contenir, il regarda distraitement la voiture.

Dans un des coins dormait une vieille dame et près de la portière, était assise une jeune fille, qui visiblement, venait de s’éveiller et tenait les rubans de son bonnet blanc. Calme et pensive, sa physio-