Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol17.djvu/214

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sa chère vieille bonne pour sa mère le ravissait.

— Maman ! elle vient souvent me voir et quand elle vient… Mais il s’arrêta en remarquant que la bonne chuchotait quelque chose à sa mère et que le visage de celle-ci exprimait la frayeur et comme de la honte, ce qui ne lui allait pas du tout. Elle s’approcha de lui.

— Mon chéri, dit-elle.

Elle ne put prononcer le mot adieu, mais à l’expression de son visage, l’enfant comprit.

— Mon cher, mon cher Koutic ! murmura-t-elle employant un surnom qu’elle lui donnait quand il était tout petit. Tu ne m’oublieras pas… tu… Elle ne put achever.

Combien de choses elle regretta ensuite de n’avoir pas su lui dire, mais en ce moment elle ne savait et ne pouvait rien dire. Cependant Serge comprit tout. Il comprit qu’elle était malheureuse et qu’elle l’aimait. Il comprit même ce que la vieille bonne avait chuchoté. Il entendit les paroles : « tous les jours vers neuf heures », et il comprit qu’il était question de son père, que sa mère ne devait pas rencontrer. Il comprenait cela, mais une chose lui échappait : pourquoi son visage exprimait-il la crainte et la honte ? Elle n’était pas coupable et semblait avoir peur de lui, et avoir honte de quelque chose. Il aurait voulu faire une question qui aurait dissipé ses doutes, mais il n’osa pas, car il voyait sa mère souffrir et il avait pitié d’elle.