Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol17.djvu/324

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les bouquets d’arbres, indiquaient le marais, au bord duquel, près de la route, étaient couchés et dormaient enveloppés de leurs caftans, des enfants et des paysans, qui, la nuit, avaient gardé les chevaux. Non loin d’eux paissaient trois chevaux, ayant aux pieds une chaîne qu’ils faisaient tinter bruyamment. Laska marchait à côté de son maître ; elle aurait voulu courir en avant et se retournait sans cesse. Quand il eut dépassé les paysans qui dormaient au bord du marais, Lévine examina son fusil et lâcha sa chienne. Un des chevaux, un grand de trois ans, à la vue de Laska se mit à s’ébrouer et à battre de la queue ; les autres s’effrayèrent aussi et se jetèrent du côté de l’eau en barbotant de leurs pieds liés et faisant avec leurs sabots qui s’enfoncaient dans la glaise humide, un bruit particulier. Laska s’arrêta, lança sur les chevaux un regard moqueur puis regarda son maître. Lévine caressa Laska et sifflota, lui donnant le signal de commencer. Elle partit aussitôt, heureuse et affairée, flairant le sol qui cédait sous ses pas. Parmi toutes les odeurs des ronces, des herbes, de la rouille, du marécage, du fumier du cheval qu’elle connaissait bien, Laska reconnut l’odeur de l’oiseau qui la troublait plus que toute autre.

Par endroits, sur la mousse, cette odeur était très forte, mais il lui était difficile de dire de quel côté elle augmentait, duquel elle faiblissait. Afin de mieux sentir la direction du gibier, elle s’éloigna