Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol17.djvu/350

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beaucoup, vers dix heures, Daria Alexandrovna se remit en route.

Chez elle, absorbée par ses devoirs maternels, elle n’avait jamais le temps de réfléchir, mais durant ce voyage de quatre heures, toutes ses pensées d’autrefois s’agitèrent soudain dans son esprit et elle se prit à considérer sa vie sous ses différents aspects, comme elle ne l’avait jamais fait. Ses propres idées lui semblaient étranges à elle-même.

Elle pensa d’abord à ses enfants. La princesse et Kitty (c’était sur celle-ci qu’elle comptait particulièrement) avaient promis de les bien surveiller, néanmoins elle était inquiète « Pourvu que Macha ne fasse plus de sottises, que Gricha n’aille pas attraper quelque coup de pied de cheval, que Lili ne se donne pas d’indigestion », pensa-t-elle.

Bientôt ces petits soucis présents firent place aux préoccupations de l’avenir prochain : En rentrant à Moscou il lui fallait changer d’appartement, rafraîchir le salon, acheter une pelisse à sa fille aînée. Puis se présentèrent à elle des questions d’un avenir plus lointain : Comment ferait-elle pour mener à bien l’éducation de ses enfants ? « Pour les filles ce n’est encore rien, pensait-elle, mais les garçons ? Jusqu’à présent j’ai pu m’occuper de Gricha, parce que, pour le moment, je suis libre, mais que survienne une grossesse ?… Il est absolument inutile de compter sur Stiva, et c’est moi, aidée de quelques amis, qui dois en faire des