Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol17.djvu/91

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— Ce n’est rien, une ancienne étude, dit-il.

— C’est très bien ! dit Golinitchev subissant très sincèrement le charme du tableau.

Deux enfants pêchaient à la ligne à l’ombre d’un cythise. L’aîné, tout absorbé, venait de jeter sa ligne, et suivait soigneusement le bouchon ; le plus jeune, couché dans l’herbe, sa tête blonde ébouriffée appuyée sur son bras, regardait l’eau de ses grands yeux pensifs. À quoi pensait-il ?

L’enthousiasme produit par cette toile ramena Mikhaïlov à son ancienne émotion, mais il redoutait les retours au passé et c’est pourquoi, bien que les compliments lui fussent agréables, il voulut attirer ses visiteurs vers un troisième tableau. Mais Vronskï lui demanda si cette toile n’était pas à vendre. Mikhaïlov, très ému en ce moment par ses visiteurs, trouva cette question d’argent déplaisante.

— Il est exposé pour la vente, répondit-il en fronçant les sourcils d’un air sombre.

Les visiteurs partis, Mikhaïlov s’assit en face de son tableau du Christ et de Pilate et il se remémora tout ce qui avait été dit et sous-entendu par eux. Chose étrange, les observations qui semblaient si importantes en leur présence, quand lui-même se mettait à leur point de vue, perdaient maintenant toute signification. Il examina son œuvre d’un œil d’artiste et recouvra la pleine conviction de sa perfection et par suite de sa valeur, disposition