Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol18.djvu/102

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« Seigneur ayez pitié de nous ! Pardonnez-moi ! » répétait-il sans cesse. Malgré son éloignement si ancien et si complet il sentait qu’il s’adressait à Dieu avec la même confiance, la même simplicité, qu’au temps de son enfance et de sa première jeunesse.

Pendant tout ce temps il y avait en lui deux impressions distinctes : l’une en dehors d’elle, avec le docteur qui fumait son cigare qu’il éteignait au bord d’un cendrier plein, avec Dolly, avec le vieux prince, où l’on parlait de politique, de Marie Petrovna, et où, pour un moment, il oubliait complètement ce qui se passait, et se sentait comme éveillé ; l’autre, imprégnée de sa présence, près de son chevet, où le cœur voulait se briser de compassion et où sans cesse il priait Dieu. Et chaque fois qu’un cri partant de la chambre à coucher arrivait jusqu’à lui, et le tirait d’un moment d’oubli, il retombait dans la même erreur étrange : à chaque cri il bondissait, courait pour se justifier, se rappelait en route qu’il n’était pas coupable et voulait la secourir, la protéger.

Mais en la regardant il voyait de nouveau qu’on ne pouvait l’aider, et terrifié il répétait : « Seigneur Dieu, pardonnez-nous. Ayez pitié de nous ! » Plus le temps s’écoulait plus ces deux courants devenaient forts. Oubliant tout il devenait d’autant plus calme, et plus terribles devenaient ses souffrances et le sentiment de son impuissance vis-à-