Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol18.djvu/172

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que la plus grande partie de ton irritation provient de l’incertitude de ta situation.

« Oui, voilà, maintenant il a cessé de feindre, il montre toute sa haine froide pour moi », pensa-t-elle n’écoutant pas ses paroles mais regardant avec horreur ce juge froid et cruel qui, l’agaçant, la regardait dans les yeux.

— Non, ce n’est pas la raison, et je ne comprends même pas que la cause de mon irritation, comme tu dis, puisse être de me trouver entièrement à ta merci. Quelle est ici l’incertitude de la situation ? Au contraire.

— Je regrette vivement que tu ne veuilles pas comprendre, reprit-il en l’interrompant, et continuant avec obstination à exprimer toute sa pensée : l’incertitude consiste en ce que tu me crois libre.

— Quant à cela tu peux être tout à fait tranquille, dit-elle ; et se détournant de lui elle se mit à prendre son café.

Elle leva la tasse, écartant le petit doigt, et l’approcha de ses lèvres. Après avoir bu quelques gorgées elle le regarda. À l’expression de son visage elle comprit clairement que sa main, son geste, le bruit de ses lèvres l’horripilaient.

— Pour moi, peu importe ce que pense ta mère et son désir de te marier, dit-elle posant sa tasse d’une main tremblante.

— Mais nous ne parlons pas de cela.

— Pardon. Du reste je dois te dire que pour moi