Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol18.djvu/180

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confondirent et tout devint noir. « La mort ! » pensa-t-elle. Et une telle horreur la saisit qu’elle mit un certain temps à comprendre où elle était, et pendant longtemps ses mains tremblantes ne purent trouver les allumettes et allumer une autre bougie à la place de celle qui s’était éteinte.

« Non, tout plutôt que la mort ! Je l’aime, il m’aime ! Ce n’est pas la première fois que cela arrive ; cela passera ! » se disait-elle, sentant couler sur ses joues des larmes de joie du retour à la vie. Pour fuir sa terreur, hâtivement, elle alla dans le cabinet de Vronskï.

Il dormait d’un sommeil profond. Elle s’approcha de lui, contempla d’en haut son visage et longtemps le regarda. Ainsi endormi, elle l’aimait tant, qu’elle ne put retenir des larmes de tendresse, mais elle savait que s’il venait à s’éveiller, sûr de son droit, il fixerait sur elle un regard glacial, et qu’avant de lui parler de son amour elle devrait lui prouver ses torts envers elle. Sans l’éveiller, elle retourna dans sa chambre, et après une seconde gorgée d’opium, vers le matin elle s’endormit d’un sommeil lourd, incomplet, sans perdre conscience de son existence.

Le matin, le terrible cauchemar qui revenait fréquemment dans ses rêves, même avant sa liaison avec Vronskï, l’assaillit de nouveau et l’éveilla. Un petit vieux à la barbe embroussaillée farfouillait dans de la ferraille en marmonnant des mots fran-