Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol18.djvu/270

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tritch, il s’arrangera toujours. Il pressera, mais il aura son compte. Il n’aura pas pitié d’un chrétien. Mais l’oncle Focanitch (il appelait ainsi le vieux Platon), est-ce qu’il ôtera la peau d’un homme ? Tantôt, il prête, tantôt il fait grâce d’une dette. C’est un homme !

— Mais pourquoi fait-il grâce des dettes ?

— Voyez-vous, ce sont des hommes différents : l’un ne vit que pour son ventre, et Focanitch est un vieillard juste, il vit pour son âme ; il craint Dieu.

— Comment il craint Dieu ! Comment il vit pour son âme ! s’écria Lévine.

— C’est connu, selon la vérité, selon Dieu. Tous les hommes ne sont pas pareils. Ainsi vous, par exemple, vous non plus, vous ne ferez pas de mal à un homme…

— Oui, oui, au revoir, prononça Lévine, suffocant d’émotion ; et se détournant, il prit son bâton et se dirigea rapidement vers la maison.

En entendant le paysan dire que Focanitch vivait pour son âme, selon la vérité et selon Dieu, des pensées vagues mais importantes surgirent en foule dans l’âme de Lévine ; toutes, tendant au même but, tourbillonnaient dans son esprit, l’aveuglant de leur clarté !