Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol18.djvu/89

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sa respiration, et comprit tout ce qui s’était passé dans sa chère âme pendant que sans bouger, dans l’attente de l’événement le plus grand de la vie d’une femme, elle était couchée près de lui.

À sept heures, il fut éveillé par le contact de sa main sur son épaule. Elle paraissait lutter entre le regret de l’éveiller, et le désir de causer avec lui.

— Kostia, ne t’effraye pas… Ce n’est rien… mais il me semble… Il faut envoyer chercher Élisabeth Petrovna.

De nouveau la bougie était allumée. Elle était assise sur le lit, et tenait à la main un tricot, ouvrage qui l’occupait ces derniers jours.

— Je t’en prie, ne t’effraye pas. Ce n’est rien. Je n’ai pas peur, dit-elle en voyant son visage effrayé ; et elle serra sa main contre sa poitrine, puis la porta à ses lèvres.

Lévine se leva hâtivement, plein d’épouvante, et ne la quittant pas des yeux. Il endossa sa robe de chambre, et s’arrêta, toujours la regardant. Il fallait agir, mais il ne pouvait détacher d’elle son regard. Lui qui aimait tant son visage, lui qui connaissait si bien l’expression de son regard ne l’avait jamais vue ainsi. Comme il se trouvait ignoble et misérable au souvenir du chagrin qu’il lui avait causé la veille, en la voyant maintenant : son visage coloré, entouré de ses cheveux fins qui sortaient du bonnet de nuit, brillait de joie et de résolution.