Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol18.djvu/90

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Si naturel et si égal que fût le caractère de Kitty, Lévine était cependant frappé de ce qu’il voyait maintenant, quand tout ce qui enveloppait cette âme était enlevé, et que le fond même de son âme resplendissait à ses yeux. Et dans cette simplicité, dans cette nudité, celle qu’il aimait était encore plus pure.

Elle le regardait en souriant, mais tout d’un coup ses sourcils tremblèrent. Elle leva la tête, se rapprocha vivement de lui, le prit par le bras et se serra contre lui, l’enveloppant de son souffle brûlant. Elle souffrait et paraissait se plaindre de ses souffrances.

Au premier moment, par habitude, il se crut coupable ; mais le regard si tendre de Kitty disait que non seulement elle ne lui reprochait rien, mais qu’elle l’aimait. « Si ce n’est moi, alors quel est le coupable ? » pensa-t-il involontairement, cherchant pour le punir l’auteur de ses souffrances. Mais il ne trouvait pas. Elle souffrait, se plaignait, mais triomphait de ses souffrances, s’en réjouissait, les aimait. Il voyait que dans son âme se passait quelque chose de très beau, mais quoi ? Il ne pouvait le comprendre. C’était au-dessus de sa compréhension.

— J’ai fait prévenir maman ; toi, va plus vite chercher Élisabeth Petrovna… Kostia, ce n’est rien, c’est passé !

Elle s’éloignait de lui et souriait :