Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol19.djvu/109

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rant, et tous m’assuraient et assuraient aux autres qu’il ne pouvait y avoir d’autre direction. Je le crus, et naviguai avec eux. Je fus emporté si loin, si loin que j’entendis le bruit de l’eau sur les rochers contre lesquels je devais aller me briser, et j’aperçus des embarcations qui sombraient là. Et je me ressaisis. Longtemps je ne pus comprendre ce qui m’était arrivé, je ne voyais devant moi que la mort vers laquelle je courais, dont j’avais peur, je ne voyais de salut nulle part et je ne savais que faire. En me retournant j’aperçus une innombrable quantité de barques qui luttaient obstinément contre le courant. Je me souvins de la rive, des rames, de la direction, et je me mis à ramer contre le courant vers le rivage.

Ce rivage, c’était Dieu ; cette direction, la tradition ; les rames, la liberté qui m’était donnée de naviguer vers la rive, de m’unir à Dieu.

Ainsi la force de la vie se renouvela en moi, et de nouveau je commençai à vivre.