Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol19.djvu/121

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XV

Combien de fois enviai-je aux paysans leur ignorance, leur incapacité de lire et d’écrire ! Dans ces articles de foi qui pour moi n’avaient aucun sens, eux ne voyaient rien de mensonger. Ils pouvaient les accepter, croire en la vérité, en cette vérité à laquelle je croyais. Seulement pour moi, malheureux, il était clair que cette vérité était liée par un fil des plus fins au mensonge, et que je ne pouvais l’accepter sous une telle forme. Je vécus ainsi durant trois ans. Au commencement, — alors qu’en pénitent, je ne pénétrais que peu à peu la vérité, me guidant seulement par l’instinct et me dirigeant du côté où le ciel me paraissait le plus clair — ces contradictions me frappaient moins. Quand je ne comprenais pas quelque chose, je me disais : « C’est ma faute, c’est moi qui suis mauvais. » Mais plus je me pénétrais de ces vérités que j’apprenais, et plus