Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol19.djvu/152

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sère, tu m’as donné à manger et à boire. Dieu vous sauve !

Matriona se leva, retira de la fenêtre une vieille chemise de Simon, qu’elle avait rapiécée, et la donna à l’étranger, en même temps qu’une vieille paire de caleçons.

— Prends, lui dit-elle. Je vois que tu n’as même pas de chemise. Habille-toi et couche-toi où tu voudras, sur le banc ou sur le poêle.

L’étranger retira le cafetan, mit la chemise et le caleçon et s’étendit sur le banc. Matriona éteignit la chandelle, ramassa le cafetan et grimpa sur le poêle à côté de son mari. Elle se coucha en se couvrant d’un bout du cafetan.

Mais elle ne pouvait s’endormir : l’étranger la préoccupait.

Elle pensa aussi qu’on avait mangé tout ce qui restait de pain, qu’on en manquerait le lendemain, qu’elle avait donné à l’hôte la chemise et le caleçon de Simon. Et elle se sentit triste ; mais se rappelant le sourire de l’étranger, elle tressaillit de joie.

Longtemps, Matriona resta éveillée. Simon ne dormait pas non plus, et tirait le cafetan de son côté.

— Simon !

— Quoi ?

— On a mangé tout le pain ; je n’ai pas cuit aujourd’hui. Que ferai-je demain ? Dois-je demander à Mélania de m’en prêter demain ?